#18 – Deuil blanc
Description
La démence souffle où elle veut, mais ce qu'elle a d'effroyable du point de vue de ceux qu'elle ne touche pas [encore?], c'est précisément qu'elle ne tue pas, et laisse ainsi la vitalité s'étioler longtemps avant de s'éteindre. On parle parfois de deuil blanc à propos de ces situations de démence extrêmement prolongées. Le deuil blanc désigne alors la réaction de ceux qui voient partir une part importante de la personnalité de leur proche, avant que le proche, lui, ne parte à son tour.
Mais partir comment ? Si les démences ne sont pas des maladies directement mortelles, elles finissent par l'être indirectement. On meurt alors de dénutrition ou d'infection respiratoire très souvent (quand ce n'est pas un problème cardiovasculaire), qui sont liés à l'altération de la fonction de déglutition. La suite des actes quasi-réflexes permettant de manger finit par se perdre avec les démences type Alzheimer.
Comment négocier ce dernier virage de la vie ? Pour répondre à cette question, on entendra Valérie Mesnage neurologue et spécialiste de la maladie de Parkinson, mais aussi une page de Hans Jonas, et le compte-rendu d'une discussion avec le psychiatre gériatre émérite Philippe Thomas.
Sources :
[1] Puisieux, F., C d’Andrea, P. Baconnier, et al. « Troubles de la déglutition du sujet âgé et pneumopathies en 14 questions/réponses », Revue des Maladies Respiratoires. 1 juin 2009, vol.26 no 6. p. 587‑605.
[2] Frasca M, Jonveaux T, Lhuaire Q, et alSedation practices in palliative care services across France: a nationwide point-prevalence analysisBMJ Supportive & Palliative Care 2023;13:e1326-e1334.
[3] Hendriks, Simone A., Martin Smalbrugge, Cees M.P.M. Hertogh, et al. « Dying With Dementia: Symptoms, Treatment, and Quality of Life in the Last Week of Life », Journal of Pain and Symptom Management. avril 2014, vol.47 no 4. p. 710‑720.
[4] Malaquin-Pavan, Evelyne et Marylène Pierrot. « Accompagner une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer : aspects spécifiques du deuil des aidants naturels et pistes de soutien », Recherche en soins infirmiers. 2007, vol.89 no 2. p. 76‑102.
[5] Hazif-thomas, Cyril et Philippe Thomas. « Anorexie et refus alimentaire du sujet âgé », Soins Gérontologie. 1 janvier 2016, vol.21. p. 34‑36.
[6] Hans Jonas, Le Droit de mourir. Paris : Rivages, 2021. p. 51.
[7] Poletti, Rosette. Vivre son deuil et croître. Thônex (Suisse) Saint-Julien-en-Genevois : JOUVENCE, 2014. 157 p.
[8] https://www.accompagnementsoignantsolidaire.org/
Quelques textes
"Manger c’est se rassembler, partager, désirer, voir, sentir, saliver, goûter... C’est aussi déglutir plus de 300 fois par heure lors d’un repas. Et si se nourrir est une nécessité pour tous, un plaisir pour beaucoup, un péché pour certains, c’est aussi un danger pour d’autres.
[...] Avec l’âge, l’incidence et la prévalence des principales pathologies responsables des troubles de déglutition augmentent fortement. […] Des troubles de la déglutition surviennent presque constamment dans l’évolution des démences." [1]
« le cas d’un résidu de vie, prolongé par une assistance artificielle, où ne subsiste pas même la fiction d’un sujet apte à décider […]. Ce qui se trouve en question, c’est plutôt le devoir, ou même le droit d’autrui, à perpétuer l’état donné et, à titre d’alternative, son droit ou même son devoir d’y mettre fin en retirant le soutien artificiel. La raison et l’humanité, peut-on affirmer en toute sérénité, favorisent considérablement la seconde solution, que ce soit à titre de droit ou de devoir : laissez la pauvre ombre de ce qui fut jadis une personne mourir comme le corps s’apprête à le faire, et mettez un terme à la dégradation de sa survie imposée. Toutefois, de puissantes résistances, intérieures aussi bien qu’extérieures, s’opposent à ce conseil de la raison. » [5]
Musique :
Life in pieces, Howard Harper Barnes